15 March 2025

Le Kojot pue de la Gueule

« Kojot » (banalement traduit en « Prédateurs »), film hongrois de Márk Kostyál, avec András Mészáros, Mária Dobra, László Mátray (2017)

Quand, pour la dernière fois, avez-vous vu un film hongrois ?
mmmh ? oui, voilà, on est d’accord : jamais ou presque, sauf si vous travaillez aux Cahiers du Cinéma ou à Première.
Aussi, quand j’ai vu passer ce Coyote (le titre véritable du film) à l’affiche poussiéreuse et avec un chien dessus (c’est suffisamment rare pour être noté), me suis-je dit in petto (car je parle couramment ce langage, contrairement au magyar) : essayons !

De quoi qu’est-ce que ça cause ?
Un jeune couple d’urbains, Misi et Eszter, viennent de subir un drame : Eszter a fait une fausse-couche. Peu après, Misi apprend le décès de son grand-père : il hérite de sa maison, une vieille baraque nichée dans un tout petit village perdu au fin fond de la Hongrie. Misi voit dans cette maison et ce bout de terrain aride une occasion de reconstruire quelque chose, pour lui et pour son couple.
Aussi refuse-t-il quand un riche notable local se présente et lui propose de racheter la propriété. Et c’est là que les ennuis commencent.
Vous l’avez compris, on est dans la configuration classique du western, mais qui se déroulerait de nos jours en Europe de l’Est (un eastern, du coup ?).

Soyons sincère, tout ce que je connais de la Hongrie se résume à quasiment rien : le pays fait partie de l’Union Européenne, la capitale est Budapest et le président est une ordure fascistoïde nommée Viktor Orbán (et en fait, après vérification, c’est faux : Orbán est premier ministre, le président est une présidente dont je n’ai jamais entendu parler : Katalin Novák). J’en conviens, c’est peu. Non seulement peu, mais même pas assez.

Toujours est-il qu’une chose est sûre : ce film n’est pas financé par l’Office de Tourisme hongrois !
Et pour cause : sur les plus de deux heures de films, il se passe rarement moins de deux minutes sans engueulade, injures, coups, tabassage et autres joyeusetés ! D’ailleurs, le film commence avec des cris de douleur et des hurlements avant même la première image et l’avant-dernier plan est encore une scène de destruction. Et ça n’arrête presque pas entre les deux ! Sérieusement, on ressort de là lessivé et courbatu ! (on pourrait presque écrire courbattu !)
Pour tout dire, même le “héros” est un gros connard, et s’il fait bonne figure par comparaison aux autres personnages masculins, il ne passerait pas deux minutes en France sans au moins une plainte pour agression, agression sexuelle, injure publique, coups et blessures et violences conjugales. Car ce qui ressort du film, c’est que pour être un homme, un vrai, « dont les couilles sont descendues » (sic), il faut se bourrer la gueule, faire taire sa femme et mettre des bourre-pifs à tous ceux qui ne sont pas d’accord. Et quand je dis “bourre-pif”, c’est à grands renforts de démonte-pneu ou de tractopelle.

Alors, on pourrait se dire qu’il s’agit de second degré et qu’il faut prendre tout cela à la rigolade, comme les films italiens de Bud Spencer et Terence Hill dans les années 70… Sauf que de l’humour, dans ce film, j’en cherche encore la trace. Alors certes, le rire est quelque chose de culturel et il est assez rare de rigoler à un humour qui nous est très étranger. Mais généralement, on parvient tout de même à le détecter, même s’il ne nous rend pas hilare. Tandis que là… rien !

Mais peut-être est-ce juste un film de baston, comme les cinémas étazuniens ou coréens en produisent tant ? peut-être, en effet… mais les cinémas en question subliment (ou au moins tentent de sublimer) la violence, la chorégraphient, l’esthétisent. Ici, on assiste juste à des scènes de pugilat entre brutes épaisses.

Par ailleurs, le film est parsemé de petites touches qui semblent, pour un nez occidental comme le mien, particulièrement nauséabondes.
Ainsi, quand le médecin annonce au couple que le bébé est mort dans le ventre de sa mère, la première chose que l’homme demande est : « Ça n’est pas un avortement, au moins ? »
Ou encore : des investisseurs suédois doivent venir visiter la région. Lorsqu’ils arrivent, il s’avère qu’ils sont tous noirs. Humour décalé ? Absolument pas : juste un écho des relents racistes de la politique d’Orbán, qui n’a de cesse de dénoncer la politique migratoire et l’ouverture des frontières de ses collègues européens et qui, en 2021, organisait un sommet international du « grand remplacement » auquel participaient Mike Pence, Marion Maréchal ou Eric Zemmour pour ne citer qu’eux.

Vous l’aurez compris, je suis pour le moins dubitatif. N’ayant pas d’autre référence culturelle sur la Hongrie, je ne peux me prononcer sur le fait que ce film est révélateur ou non d’une culture : on ne conclut rien d’un unique échantillon. Mais malheureusement ce film ne me donne guère l’envie de creuser davantage.

Cependant, soyons honnête : peut-être suis-je totalement passé à côté. Ce n’est pas impossible. Si donc une bonne âme, plus compétente que moi, plus au fait de la culture hongroise surtout ! pouvait me montrer en quoi je me suis fourvoyé, je lui serais particulièrement reconnaissant !